Introduction aux discours coloniaux

Introduction

Vouloir assimiler le discours du roman colonial aux discours politiques ou théoriques sur la colonisation serait aussi vain que de réduire au projet d'une unique analyse le discours romanesque et le substrat historique et idéologique dans lequel il s'inscrit.

Le discours romanesque en dit toujours plus et moins. Plus[1], parce qu'il rapporte et met en scène des discours impubliables dans un autre contexte, qui peuvent révéler des réalités mal éclairées dans d'autres cadres discursifs. Les propos du français moyen sur l'indigène s'y profèrent autrement que sous la plume des journalistes et des hommes politiques. Les descriptions du monde colonial y sont requises par d'autres motivations. Moins, parce que les réalités que met au jour l'historien sont parfois indicibles dans le cadre romanesque offert aux lecteurs d'une époque donnée. Si le roman est parfois cruel (car il peut l'être) à l'égard des sociétés coloniales qui lui sont contemporaines, et en dénonce les turpitudes, celles-ci restent relativement admises par le lecteur. Le silence est total sur les pratiques homosexuelles de certains coloniaux, parfois largement répandues cependant (cf. Colonialism and homosexuality[2]).

Par ailleurs, la notion de "roman colonial" est aussi répandue que floue. S'il y a eu, dans les premières décennies du XXème siècle des théoriciens du roman colonial, et il importe de revisiter leurs conceptions de cette notion, on a par la suite tendance à ranger sous cette appellation des œuvres qui y échappent partiellement. Je préfère donc proposer l'expression de "roman des colonies" pour désigner les romans qui ont pour cadre les lieux et les milieux coloniaux. Ce qui n'empêche que les théories du roman colonial proprement dit ont leur place dans ce chapitre.

  1. Le discours romanesque de Barnavaux

    Barnavaux qui sait tout, Barnavaux qui a tous mes vices, mais qui ne les cache pas; Barnavaux qui ne sera jamais rien qu'un soldat, et que j'aime plus que je n'aimerai jamais personne, parce que tout ce qui se sent, se voit et se touche, tout ce qui arrive et tout ce qu'on rêve, il peut le dire comme vous ne le direz jamais, avec des mots qui sont à lui (Pierre Mille, Barnavaux et quelques femmes, p. 29).

  2. Aldrich 2003

    Aldrich, Robert, Colonialism and homosexuality, London-New York, Routledge, 2003, 436 p.

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