Introduction
Depuis, disons, les années 1990, une abondante littérature a été produite sur les écrits coloniaux : reportages, mémoires, récits de voyages, romans, etc. On écrit un article sur tel explorateur, tel romancier, que souvent l'on a redécouvert, c'est-à-dire découvert, tant ces écrits de l'ère coloniale étaient tombés dans l'oubli. L'intérêt d'ailleurs, pour l'auteur d'un article ou d'une communication, consiste à exhumer tel ouvrage, à le présenter, à le résumer, à le commenter.
L'un des leitmotive introductifs de ces articles ou communications contemporaines consiste, pour résumer, à dire : cet auteur, certes, est un Européen de l'école coloniale, son roman, ou son récit s'inscrit dans le cadre du genre stéréotypé de son temps, mais il n'est pas si mauvais. A la différence des autres, il a su reconnaître les Africains (les Indochinois, etc.) pour eux-mêmes, en tant que sujets.
Je voudrais montrer que le texte d'Eugène Casalis, Les Bassoutos, souvenirs de voyage, échappe à ces cadres [ceux des récits d'explorateurs] en grande partie et constitue une importante avancée dans la voie de la reconnaissance de l'autonomie du sujet africain ( Alain Ricard[1])
Le livre de Maurice Martin du Gard [Le Voyage de Madagascar ] occupe une place particulière ; s'il est encore bien embarbouillé de stéréotypes et de préjugés coloniaux, il ouvre sur un regard plus moderne et plus littéraire, en esquissant cette prise de conscience que les Malgaches existent, dans une altérité dont le voyageur peut beaucoup apprendre ( Jean-Louis Joubert[2])
Le problème, on s'en doute, c'est que de si nombreux explorateurs, voyageurs ou romanciers échappent aux cadres convenus de la littérature coloniale, qu'on peut se demander si ces cadres ne sont pas une reconstitution quelque peu artificielle, un décor fixé par nos critiques contemporains pour mieux mettre en valeur leur sujet.