L'écrivain, le voyageur, l'écrivain voyageur

En dépit de la mobilité du genre viatique et de la plasticité de son économie discursive, tout récit de voyage doit respecter deux règles : préserver …… et faire de la matière viatique l’objet privilégié du récit. On entend par …… les événements notables qui se sont produits durant le voyage, la description des lieux, des habitants, de leurs coutumes, les réactions du voyageur mis en présence de la diversité et l’Autre culturel. À la période romantique, s’effectue une modification de cette matière viatique par le passage d’un discours fondé sur l’objet à un discours fondé sur ……, de l’inventaire du monde à un …… par le voyageur qui devient une …… régulatrice du discours, aux pouvoirs insoupçonnés jusqu’alors.

Le cas de George Sand, envisagé en référence à deux récits de voyage et à une œuvre de fiction, témoigne d’une position complexe par rapport à la matière viatique.
L’auteur avoue sa méfiance à l’égard des modes littéraires, …… de façon visible le modèle du récit de voyage dans les trois œuvres considérées, qui relatent des voyages réels. Pour elle, la fonction de l’artiste n’est pas de parler de soi, de s’analyser ; elle consiste à ……, à insuffler vie à des personnages plus complets et plus riches que les êtres réels. Aussi est-elle réticente à laisser en elle la voyageuse prendre le pas sur l’artiste, ce qui la conduit à …… génériques entre le vécu et ce qui ressortit à son imaginaire, à prêter à ses personnages fictifs ses propres pensées, réactions et jugements et éventuellement à compenser la banalité du quotidien par des recréations fantasmagoriques. La prise en charge de …… est alors mise en question par les incessants …… entre moi réel et « moi fantastique » ; le mélange de la fiction et de la relation viatique permet à l’auteur de varier les effets, tout en lui accordant une large marge de manœuvre.

La déconstruction du genre viatique se lit également non seulement dans …… de monuments désormais fort bien connus et de …… ‒ passages cependant obligés des récits de voyage ‒ mais aussi de tout épanchement lyrique convenu notamment devant la poésie des ruines, que George Sand récuse. Au mieux, insère-t-elle à l’identique, dans un Hiver à Majorque, des développements descriptifs tirés d’ouvrages consultés pour l’occasion. La seule description assumée par la voyageuse est celle des ruines du couvent dominicain à Palma de Majorque, dans un contexte de fiction. Elle est justifiée par le fait qu’elle donne lieu à …… de cette ruine et qu’elle débouche, par le truchement d’un dialogue fictif entre deux personnages, sur la dénonciation d’un abus de pouvoir de la part de l’autorité ecclésiastique au temps de l’Inquisition.
Car l’artiste doit se faire un observateur social, représenter les luttes contre l’oppression et être ……. Le voyage devient ainsi le lieu d’une réflexion, celle d’un écrivain résolument engagé dans le présent. Et le refus de l’émotion, de …… s’exerce au profit de la réflexion et d’une prise de conscience objective sur les réalités du temps qui excluent le simple enregistrement du réel et entraînent …… de la part de l’auteur.