Fatigue : aspects psychophysiologiques

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Evolution des paramètres physiologiques au cours d'un exercice réalisé à la puissance maximale d'état stable de la lactatémie jusqu'à épuisement:

Voici les résultats expérimentaux d'une étude dont l'objectif était de comprendre le processus de la fatigue à la puissance maximale d'état stable de la lactatémie. Cette intensité se situe à environ 75% de l'intensité correspondant à VO2max et elle est reconnue comme intensité de référence pour matérialiser la transition entre les filières énergétiques aérobie et anaérobie. Cette étude visait plus précisément à comprendre les processus physiologiques contribuant à son arrêt et à déterminer si une réserve physiologique subsiste, conformément aux hypothèses du modèle du gouverneur central. Cette étude a fait l'objet d'une publication en 2008 (Baron et al., 2008).

MéthodeMéthode

11 triathlètes masculins de niveau régional ont participé à cette étude. Le protocole a été réalisé sur un ergocycle et comportait: 1 exercice incrémenté afin de déterminer les paramètres physiologiques maximaux tel que la PMA, le VO2max ou la FCmax. 3 tests sous-maximaux à différentes intensités afin de déterminer la puissance maximale d'état stable de la lactatémie. Et enfin, un test à cette intensité pour déterminer le temps de maintien et observer les paramètres de la fatigue. Lors du dernier test, mené à la puissance maximale d'état stable de la lactatémie, des paramètres sanguins ainsi que la perception de l'effort ont été mesurés toutes les 5 min et à l'arrêt de l'exercice. Les paramètres ventilatoires et la fréquence cardiaque ont été mesurés en continu.

Résultats et discussion

Les résultats du test incrémenté révèlent une Puissance maximale aérobie, à 323 Watts environ. La consommation maximale d'oxygène et la fréquence cardiaque maximale sont approximativement de 55 ml/min/kg et 203 batt/min. La puissance maximale d'état stable de la lactatémie (PMESL), déterminée lors des différents tests sous-maximaux et qui correspond à la plus haute intensité compatible avec une augmentation de moins de 1mmol/l de lactate entre la 10ème et la 30ème min des tests sous maximaux se situe à environ 71% de VO2max. La lactatémie à cette intensité est approximativement de 5,5mml/l. La puissance maximale d'état statble de la lactatémie a pu être maintenue pendant 55 min environ. Les adaptations métaboliques ont été observées entre la 10ème et la dernière minutes du test. Les résultats montrent une diminution significative de la lactatémie, témoignant d'une production réduite ou d'une augmentation de l'utilisation périphérique (figure 1).

Figure 1 : évolution de la lactatémie au cours du test réalisé à la PMESL.

Figure 1 : évolution de la lactatémie au cours du test réalisé à la PMESL.

L'argument habituel selon lequel la fatigue s'explique notamment par une augmentation de la lactatémie ne peut donc pas être évoqué dans le cas présent. De même, l'évolution de l'équilibre acido-basique a été étudié. Les résultats montrent qu'après une nette diminution entre le début de l'exercice et la 10ème min, le pH augmente significativement jusqu'à la fin du test. La pression artérielle en CO2 diminue alors que la concentration en ions bicarbonates de stabilise (figure 2).

Figure 2 : Evolution des paramètres de l'équilibre acido-basique au cours du test réalisé à la PMESL.

Figure 2 : Evolution des paramètres de l'équilibre acido-basique au cours du test réalisé à la PMESL

Ces résultats vont dans le sens d'une acidose métabolique compensée par les mécanismes ventilatoires. L'équilibre acido-basique ne peut donc pas être tenu responsable de l'arrêt de l'exercice. L'ammoniémie augmente significativement entre la 10ème et la dernière minutes du test. Ce paramètre est reconnu comme un marqueur de la fatigue centrale. Néanmoins, des résultats antérieurs montrent qu'un exercice peut être poursuivi malgré des concentrations plus importantes. Il paraît donc peu probable de tenir ce facteur comme directement responsable de l'arrêt de l'exercice. L'évolution de la pression partielle et de la saturation en oxygène, témoins de l'oxygénation n'est pas significative et les valeurs sont proches de la normale. Un déficit éventuel de l'oxygénation de l'organisme ne peut donc pas être mise en avant pour expliquer l'arrêt de l'exercice comme c'est souvent le cas. Les paramètres cardioventilatoires étaient mesurés en continus et leur évolution a été étudiée entre 10 et 100% du temps de maintien à la puissance maximale d'état stable de la lactatémie. Les résultats de VO2 et de VCO2 témoignent de l'absence d'évolution significative. Le débit ventilatoire et la fréquence ventilatoire par contre augmentent significativement. Mais les valeurs atteintes au moment de l'arrêt de l'exercice restent inférieurs à celles observée en fin de test incrémenté. Cela indique que les limites adaptatives du système ventilatoire n'étaient pas atteintes et ne peuvent être tenu pour responsable de l'arrêt de l'exercice. La fréquence cardiaque augmente significativement durant le test mais reste inférieur aux les valeurs maximales mesurées lors du test incrémenté. Dernier paramètre physiologique mesuré dans cette étude: la température corporelle. Elle est souvent reconnu comme un facteur de fatigue à l'exercice. Effectivement, les résultats

montrent une hyperthermie de 38,4°C. Mais ces valeurs sont inférieures au seuil critique habituellement retenu. Parmi les facteurs physiologiques retenus dans les modèles explicatifs de la fatigue, il en reste un: la déplétion glycogènique. Ce paramètre n'a pas été mesuré dans cette étude pour des raisons techniques. Il est donc difficile de présumer des résultats qui auraient pu être obtenus. Ce qui est certain, ces que des études ont montré que cette déplétion n'est jamais totale et qu'elle peut difficilement être tenue pour directement responsable de l'arrêt de l'exercice. En marge des paramètres physiologiques, les perceptions de l'effort (RPE) ont été mesurées auprès des sujets de l'étude à partir de l'échelle CR10 de Borg. Les résultats montrent une augmentation significative de la perception de l'effort générale et de la perception de l'effort musculaire alors que la perception de l'effort ventilatoire n'évolue pas significativement (figure 3).

Figure 3 : Evolution des paramètres perceptifs au cours du test réalisé à la PMESL.

Figure 3 : Evolution des paramètres perceptifs au cours du test réalisé à la PMESL.

L'augmentation de la perception de l'effort est logiquement reconnue pour diminuer la motivation à poursuivre un exercice fatiguant. Au final, on peut retenir que l'arrêt de l'exercice à la puissance maximale d'état stable de la lactatémie est observé après 55 min d'exercice environ. Contrairement à ce qui peut être observé pour des intensités plus élevées, comme la puissance critique, aucune « catastrophe » physiologique n'a pu être observée durant le test, y compris au moment où les sportifs ont volontairement arrêté l'exercice car ils étaient incapables de soutenir l'intensité demandée. L'arrêt de l'exercice dans ce cas présent ressemble donc beaucoup plus à un abandon qu'à un réel épuisement physiologique. Les résultats de cette étude ne peuvent donc pas être simplement expliqué par le paradigme « catastrophe ». Au contraire, ils le réfutent. Ils témoignent par contre du fait que l'arrêt se produit dans des conditions de maintien de l'homéostasie physiologique. Cela s'explique par le fait qu'il semble exister une différence entre les véritables limites physiologiques et le niveau d'adaptation au moment de l'arrêt. Même si rien ne prouve définitivement et catégoriquement que l'hypothèse suivante soit valide, il est possible de proposer que cette homéostasie physiologique soit maintenue grâce à des mécanismes anticipateurs. Ces mécanismes anticipateurs peuvent correspondre en fait aux mécanismes de la fatigue dont l'objectif est de préserver l'organisme, conformément au modèle du gouverneur central (figure 4).

Figure 4

Si les résultats de cette étude ne peuvent en aucun cas affirmer de la validité de ce modèle, ils sont en tout cas compatibles avec celui-ci alors qu'ils réfutent le classique paradigme « catastrophe ».

ComplémentRéférences

Baron, B., Noakes, T. D., Dekerle, J., Moullan, F., Robin, S., Matran, R., et al. (2008). Why does exercise terminate at the maximal lactate steady state intensity? Br J Sports Med, 42(10), 528-533.

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