Introduction aux discours coloniaux

Points de vue

La colonisation française vue par les Anglais

On sortirait du cadre de ce chapitre si l'on voulait tenter de recenser les innombrables discours qu'ont pu tenir les Britanniques sur la colonisation française. Les Anglais, est-il convenu de penser, n'aiment pas les Français, et la réciproque est vraie. Le journal de Samuel Pepys, qu'il a tenu dans les années soixante du XVIIème siècle, n'est pas tendre avec eux : ils sont mal élevés, font du bruit au théâtre, manquent totalement de discrétion, et poussent la galanterie jusqu'à l'outrecuidance doublée de goujaterie. Après les guerres qui ont opposé les deux pays, la rivalité coloniale dans laquelle ils sont engagés n'est pas faite pour arranger les choses. Je citerai d'emblée cette remarque de J. Crow, relevée par Véronique Dimier dans une revue anglaise, en 1914 :

Nous aimons croire que la plupart des peuples occidentaux firent quelques tentatives afin d'établir un dominion dans les continents extra-européens ou les groupes d'îles, que tous, nous exceptés, ont plus ou moins échoué complètement, et que nous seuls avons réussi, prouvant ainsi la supériorité inhérente du caractère britannique et les vertus incontestables des institutions britanniques ( p. 3-4[1]).

Cependant, le discours britannique sur sa supériorité en matière de colonisation n'est pas aussi uniforme et aussi constant que ces lignes pourraient le laisser penser. Dans son hommage à Lord Lugard, Robert Delavignette, qui a lui-même admiré sans réserve la gestion de la Nigeria par son illustre gouverneur, se plaît à citer un commentaire que celui-ci a écrit en 1903 sur la colonisation française :

La politique résolue et tenace poursuivie par la France en Afrique depuis 1876 - politique qui n'a jamais été interrompue et dont les développements ont coûté des millions - nous défend de juger les efforts coloniaux des Français d'après nos efforts spasmodiques. Malgré des difficultés presque insurmontables, les magnifiques victoires d'Archinard, d'Humbert, de Combes sur les grandes armées d'Amadou et de Samory, ont assuré les progrès constants de la France à l'est de la Sénégambie. Cette politique ininterrompue d'annexion a été inaugurée à son tour depuis quelques années dans le Congo français ( p. 178[2]).

Nous et eux, ce sont bien ces termes que l'on rencontre des deux côtés de la colonisation, et il est particulièrement piquant, comme le relève Delavignette, qu'ici, Lord Lugard reproche à l'Angleterre ses indécisions et admire la pugnacité et la constance de la politique française, alors qu'on le sait bien, c'est le discours exactement inverse que tiennent les coloniaux français. Ou plutôt le même discours, mais inversé. Ce n'est pas seulement que l'herbe est toujours plus verte de l'autre côté de la colline, mais bien plutôt que les plus convaincus des coloniaux, et c'est aussi en cela qu'ils sont des coloniaux, anglais ou français, estiment toujours être en avance dans leur action par rapport aux politiques, et qu'ils ne se sentent jamais assez soutenus par une métropole qui a ses propres préoccupations, non toujours compatibles avec les nécessités de l'outre-mer.

Cameroun : l'hôtel du commandant de la circonscriptionInformationsInformations[3]

Par ailleurs, il faut rappeler les liens qui peuvent unir ces théoriciens-praticiens de la colonisation des deux bords. En 1922, Lord Lugard et Maurice Delafosse sont tous deux membres de la Commission des mandats, issue de la SDN[4]. Ce n'est pas indifférent, car c'est à cette Commission que les puissances mandataires doivent rendre compte de leur gestion des ex-colonies allemandes. C'est le cas, par exemple, du Togo et du Cameroun qui sont divisés en territoires administrés les uns par la France et les autres par l'Angleterre. Ces territoires ne sont plus des colonies, et n'ont pas pour autant acquis l'indépendance, car jugées encore trop primitives pour y accéder. Elles font donc l'objet d'une nouvelle sorte de protectorat, le mandat, et leur administration semble assez bien se conformer aux principes, d'ailleurs très proches, de Lugard et de Delafosse.

Le principe du mandat, conclut R. Capot-Rey[5], dans un article consacré à la situation des anciennes colonies allemandes, s'est révélé, dans la pratique, susceptible d'assurer, mieux que le protectorat, la défense des civilisations indigènes. Il est indiscutable que les Puissances mandataires ont témoigné, dans l'administration des territoires qui leur étaient confiés à titre de mandat, d'un souci particulier de l'hygiène [...], de l'instruction [...] et en général du bien-être des indigènes. Dans ces conditions il est possible que les peuples administrés sous mandat soient capables plus que d'autres d'arriver assez vite à un degré de civilisation leur permettant de s'administrer eux-mêmes; et cela seul constituerait un fait géographique d'une importance capitale (p. 515).

Forme radicale de l'Indirect Rule et de la politique d'assimilation, le mandat serait donc la formule idéale pour une transition entre la colonisation et l'indépendance. D'autres formules apparaîtront plus tard, mais quant à juger de leur pertinence sur le terrain, il faut se rappeler que nous ne sommes ici que dans le domaine des discours.

Lugard et Delafosse créent en 1926 l'Institut international des langues et civilisations africaines (voir Dimier[1], p. 4). Lugard en sera président et Labouret directeur du département d'ethnologie. C'est cet institut qui édite la revue trilingue (allemand, anglais, français) Africa. Si cet institut se donne essentiellement une mission scientifique, il n'en veut pas moins contribuer à « l'élaboration d'une doctrine coloniale rationnelle » ( Labouret[6], p. 78) — par conséquent commune à la France et à l'Angleterre.

Modern Egypt, édition américaineInformationsInformations[7]

Parmi les théoriciens-praticiens anglais de la colonisation, la figure d'Evelyn Baring (Lord Cromer, 1841-1917) est incontournable. Consul général d'Egypte de 1883 à 1907, il publie peu après son retour, en 1908, Modern Egypt[8] en deux volumes. En 1910, Ancient and Modern Imperialism[9], où il établit une comparaison entre l'empire britannique et l'empire romain, ce qui l'amène à contester le mode d'administration colonial des français, calqué, selon lui sur le régime romain, et par conséquent appelé à disparaître, lui aussi (voir Véronique Dimier[1], p. 4).

En 1913 Lord Cromer dans Political and Literary Essays[10], réunit une série d'articles qu'il a publiés dans diverses revues entre 1908 et 1913. Sa description du système français est sévère :

Version audio de la citation

Lecture du texteInformationsInformations[11]

It is difficult for those Englishmen who have not been brought into business relations with Continental officials to realise the extreme centralisation of their administrative and diplomatic procedures. The tendency of every French central authority is to allow no discretionary power whatever to his subordinate. He wishes, often from a distance, to control every detail of the administration. The tendency of the subordinate, on the other hand, is to lean in everything on superior authority. He does not dare to take any personal responsibility; indeed, it is possible to go further and say that the corroding action of bureaucracy renders those who live under its baneful shadow almost incapable of assuming responsibility. By force of habit and training it has become irksome to them. They fly for refuge to a superior official, who, in his turn, if the case at all admits of the adoption of such a course, hastens to merge his individuality in the voluminous pages of a code or a Government circular (Chapitre I : "The Government of Subject Races").

Il est difficile pour les Anglais qui n'ont pas été en relation d'affaires avec les officiels du continent de réaliser à quel point leurs procédures administratives et diplomatiques sont centralisées. La tendance de toute autorité centrale française est de ne laisser aucun pouvoir discrétionnaire à ses subordonnés. Elle veut, souvent à distance, contrôler tous les détails de l'administration. La tendance du subordonné, de son côté, est de toujours s'incliner devant l'autorité supérieure. Il n'ose pas prendre la moindre responsabilité ; on peut même ajouter que l'action corrosive de la bureaucratie rend ceux qui vivent sous son joug à peu près incapables d'assumer la moindre initiative. Par la force de l'habitude et de l'entraînement, celle-ci leur est devenue insupportable. Ils courent se réfugier sous l'autorité d'un supérieur qui à son tour, dans le cas où il accepte la requête, se dépêche d'aller la noyer dans la liasse épaisse et anonyme des pages d'un code ou d'une circulaire du Département.

La subordination à l'autorité, la centralisation excessive, la tendance des pouvoirs centraux à refuser toute marge de manœuvre aux hommes de terrain, provoque chez ceux-ci une crainte exagérée de l'initiative et les décourage. Chacun se réfugie sous le parapluie de son supérieur, et celui-ci s'abrite derrière le corpus volumineux des règlements et des circulaires. Toutes choses qu'il est difficile de comprendre pour un sujet britannique — mais que les Français ne peuvent pas toujours nier.

Dans son article sur la "France et l'Algérie", lord Cromer, après avoir suggéré l'idée que, dès lors qu'il s'agit de la gestion des populations musulmanes, les intérêts des pays européens sont communs, et qu'il est légitime par conséquent à un Britannique de faire profiter de son expérience et de ses idées aux continentaux, reconnaît le remarquable travail que la France a effectué en Algérie : d'impressionnants travaux d'utilité publique, le développement des moyens de communication, la modernisation de l'agriculture, ont largement contribué à améliorer les conditions de vie des indigènes, et de ce point de vue, la France n'a rien à apprendre de l'Angleterre.

Lord CromerInformationsInformations[12]

Cependant, la gestion française, en ce qui concerne l'inégalité des charges et impositions entre les natives et les colons, le code de l'indigénat qui consolide une situation de traitement différentiel des justiciables, le mode de représentation des colons et des indigènes dans les assemblées, ne saurait perdurer sans une réforme politique profonde. Les divergences de vue entre le gouvernement français et les colons, le premier prétendant défendre les indigènes contre les abus des colons, ne sauraient être perçues par les Arabes pour qui, selon un adage rappelé par Lord Cromer, "tous les chrétiens appartiennent à la même tribu". En somme, la critique de l'administration coloniale française ne se limite pas à un constat extérieur, distant et désabusé : la mauvaise politique d'un pays ne peut qu'avoir des retombées inattendues sur les autres colonisateurs européens.

La colonisation française vue par les Français

Dès lors que la politique coloniale française est partagée entre deux options : la politique assimilationiste et la politique d'association, laquelle deviendra officielle en 1906, pour une période d'ailleurs limitée, il est inévitable qu'on se réfère au « modèle britannique », que l'on soit partisan de l'une ou de l'autre.

Trois discours concurrents peuvent se déduire des textes de théoriciens ou de praticiens de la colonisation :

·     Un argumentaire autocritique, affirmant la supériorité de la colonisation anglaise sur la colonisation française.

·      Un argumentaire nationaliste illustrant la supériorité de la colonisation française sur la colonisation anglaise

·      Un discours plus nuancé, évaluant les avantages de l'une et de l'autre

Supériorité de la colonisation anglaise sur la colonisation française

Il est clair que pour un certain nombre de Français, la première assertion, avec plus ou moins de nuances, va se rencontrer souvent. Le plus célèbre des admirateurs de la colonisation anglaise est certainement Lyautey, qui est d'ailleurs considéré lui-même par les Britanniques comme une exception.

Dessin de LyauteyInformationsInformations[13]

La brillante carrière de Lyautey, qui l'amène à conduire au Maroc une politique de protectorat proche de ses idéaux, le rend assez célèbre pour que la publication de ses lettres obtienne un certain succès. On trouve dans les Lettres de Tonkin et de Madagascar[14] des réflexions isolées, dispersées, mais qui se rattachent à un corps de pensées très cohérentes sur le modèle de la colonisation. Voici ce qu'il écrit dans une lettre datée de 1894 :

On cause Cochinchine et Tonkin, riz, poivre et charbon, — et ça finit toujours par la même conclusion, que celui qui me parle soit l'ingénieur, le commerçant, le planteur, l'entrepreneur : ni les bonnes volontés individuelles, ni les capitaux même ne manquent en France, — tout se brise contre la mauvaise volonté administrative, le formalisme, l'hostilité des bureaux, le manque absolu de souplesse de notre machine.

Et, comme il n'y a pas un de ces griefs qui ne s'applique exactement à la partie que je connais, l'armée, je n'ai pas un motif pour suspecter le bien-fondé des leurs. Et, en face, se dresse l'admirable organisation anglaise, large, souple, suivie, menée du haut en bas de l'échelle par des « gentlemen », ou des gens vivant, agissant en « gentlemen », quelle que soit leur origine, d'une moralité humaine finalement peut-être inférieure à la nôtre, mais expéditifs, corrects, soucieux de leur prestige, soucieux des dehors, et, par-dessus tout, ayant l'unité de doctrine, de méthode et de but, dirigés par un moteur permanent et régulier. Ils ont un personnel, nous n'en avons pas. Il y a chez eux une école, une doctrine, une méthode coloniale, basées sur l'expérience, d'où sont dérivés les principes essentiellement souples et élastiques dans l'application, laissant à chacun le soin des détails, la large initiative, la latitude de varier les formes à l'infini.

Chez nous, pas d'école coloniale[15], pas de principes, autant de méthodes que de personnes, et souvent quelles personnes ! En revanche, des formes immuables, des « service intérieur », dans la gaine desquels libéraux ou conservateurs se momifient sous peine de ne pas se prendre au sérieux comme fonctionnaires et dont ils entourent comme d'une cangue tous leurs administrés, puisque en France tout subordonné, aux yeux d'un galonné civil ou militaire, est a priori un délinquant. Chez eux, le fonctionnaire est le serviteur de l'homme d'entreprise, et il lui appartient de déblayer la route et de donner les moyens. Chez nous, le contribuable, le colon est fait pour le fonctionnaire ; et ici encore je retrouve l'état d'esprit qui règne dans trop de nos États-Majors, si souvent enclins à ne voir dans la troupe que les pièces d'un jeu d'échecs, dans la manœuvre qu'un menuet réglé d'avance, et à subordonner ainsi le but aux moyens (tome 1, p. 46-47).

Eux et nous, ils et nous, chez eux et chez nous : c'est presque une litanie chez Lyautey. La fameuse administration française, qui fait l'objet de tant de quolibets (Messieurs les ronds-de-cuir, de Courteline, date de 1893), s'est remarquablement implantée dans les colonies, où elle est incontournable. Et ce qui révolte le plus Lyautey, c'est cette sorte de retournement des rôles, qui fait passer le service du côté des administrés.

Lettres du Tonkin et de MadagascarInformationsInformations[16]

Dans une très longue lettre du 4 février 1897 adressée au commandant de Margerie, Lyautey revient sur cette opposition si désavantageuse aux Français (tome 2, p. 140 et suiv.). Les malentendus entre la métropole et les agents sur place dans les colonies paralysent l'action : L' «Anglais colonial» se recommande par son sérieux, le Français par son goût immodéré de la blague. La centralisation est un handicap : « Presque pas une mesure apportée de Paris qui ne soit une obstruction, presque pas un courrier ministériel qui ne nous coupât bras et jambes » (tome 2, p. 140). Mais surtout, il y a chez Lyautey, cette méfiance du parlementarisme, pour ne pas dire plus, qui lui paraît particulièrement désastreux en matière coloniale, où la nécessité de se soumettre au «caprice populaire» remet sans cesse en question les politiques aussitôt abandonnées que décidées. Ce qu'il admire donc chez les Anglais, c'est leurs institutions.

Il s'en prend au régie douanier, « cette absurdité économique coloniale », à un régime fiscal imposé prématurément, à la puissance des lobbies, en particulier du lobby réunionnais qui impose à Madagascar une ouverture vers l'est, vers les Mascareignes, par le port de Tamatave, au lieu de viser l'ouest, le continent africain et ses débouchés, à travers Majunga, dont la route vers Tananarive serait beaucoup moins coûteuse à établir.

Il y a presque un camp des anglophiles, du point de vue colonial. Véronique Dimier[1] (p. 13) cite, à côté de Lyautey : Léopold de Saussure (1866-1925) sinologue, astronome, officier de marine ; Jules Harmand (1845-1921), médecin militaire, explorateur et diplomate ; Joseph Chailley-Bert (1854-1928), Jean-Louis de Lanessan (gouverneur général de l'Indochine de 1891 à 1894) déplorent la centralisation et la bureaucratie française, sans parler de l'attitude des Français vis-à-vis des colonisés.

La plupart de ces reproches se ramènent, il faut bien le constater, à la volonté d'indépendance (et de puissance ?) du colonial, militaire ou civil, qui comprend mal que l'expansion puisse être à ce point contrôlée par une métropole, c'est-à-dire un gouvernement métropolitain, qui veut rester prudent par rapport à une opinion publique indifférente ou partagée, et dont les moyens d'action et de contrôle ne peuvent se propager autrement que par le biais d'un système administratif qui a le mérite de fonctionner, même lourdement.

L'administrateur colonial, le militaire est pris dans une contradiction : d'un côté, il est mu par une vocation d'aventure, de création, hors des sentiers battus et de ce qu'il appelle souvent l'air confiné de la France empêtrée dans des débats et des problèmes auxquels il a d'une certaine manière renoncé. Lyautey est au Tonkin en pleine affaire Dreyfus : « Décidément, à cette distance, l'optique change un peu; nous sommes plus profondément attristés et humiliés de cet étalage de honte en face de l'étranger que nous ne sommes indignés » (Tome 1, p. 127). De l'autre, il dépend de cette même métropole, qu'il représente, dont il défend les intérêts et le prestige.

Dès lors, le modèle anglais, qu'il a tendance à surévaluer, apparaît comme une solution mythique, un recours possible puisque réel, mais inatteignable, parce que les Britanniques appartiennent à une autre culture, et sont régis par une autre forme de gouvernement.

Dix années de politique colonialeInformationsInformations[17]

Reste que la dénonciation, par Chailley-Bert, dans Dix années de politique coloniale[18] (1902), de la «théorie du bloc» (chapitre 1), c'est-à-dire d'un traitement uniforme de colonies fondamentalement différentes par leur géographie, leur culture, et l'ancienneté de leur appartenance à la domination française, met l'accent sur une tendance centralisatrice dont les effets néfastes ont longtemps perduré, et qui auront même tendance à s'accentuer à la veille des indépendances.

Supériorité de la colonisation française sur la colonisation anglaise

Maurice Delafosse, africaniste, administrateur colonial, ethnologue et linguiste, exprime un point de vue différent en 1923, dans la Dépêche coloniale dont il est un collaborateur régulier :

À toutes les époques de notre histoire nous avons rencontré des Français qui dénigrent volontiers ce que fait leur pays en matière coloniale et recommandent vigoureusement à leurs compatriotes et à leur gouvernement de prendre exemple sur l'Angleterre [...]. Nous a-t-on assez vanté l'excellence des procédés britanniques dans l'Inde et en Égypte, en les opposant au peu de succès obtenu par les procédés français au dire des mêmes auteurs [...]. Combien de fois aussi n'a-t-on pas décrié notre manie centralisatrice et fait l'éloge de la générosité avec laquelle la Grande-Bretagne a accordé à ses dominions une autonomie équivalent en fait à une indépendance absolue ? Il faudrait pourtant regarder les choses de près et les voir telles qu'elles sont. Nous n'avons pas de colonies similaires aux colonies blanches, aux dominions.

Non, n'est-ce pas ? Alors, il est tout à fait inutile, pour ne pas dire plus, d'établir des comparaisons entre des situations et des circonstances qui n'ont rien de commun. Il serait plus sage d'observer ce que font les Anglais dans celles de leurs possessions qui sont analogues aux colonies françaises voisines, Gambie, Sierra Leone, Nigeria, Gold Coast où la proportion de l'élément européen et de l'élément indigène, de même que le stade d'évolution de ce dernier, se présente approximativement sous le même aspect qu'au Sénégal, en Guinée, en Côte-d'Ivoire et au Soudan. Nous constaterions alors que cette centralisation que d'aucun reproche si fort à la France dans son administration coloniale est aussi accentuée chez nos voisins que chez nous (cit. Dimier[1] p. 6).

Maurice Delafosse retourne l'argument de la «théorie du bloc» : si les Anglais ont su mieux que les Français diversifier leurs modes d'administration des colonies, alors on peut s'attendre à ce qu'il n'y ait pas un «modèle anglais» à opposer de manière systématique à un «modèle français».

Quant à Henri Labouret, il souligne en 1934 le fait que les représentations réciproques de deux systèmes opposés, l'un anglais, l'autre français, appartiennent au domaine de la simplification et ne correspondent guère à la réalité. D'un côté, les Anglais adoptent la formule de l'Indirect Rule. De l'autre, les Français, dès 1882 avaient adopté la formule du protectorat en Tunisie, et, bien avant, Faidherbe avait appliqué ce type de gouvernement au Sénégal.

  1. Dimier [1998]

    Dimier, Véronique, "Le discours idéologique de la méthode coloniale chez les Français et les Britanniques de l'entre-deux guerres à la décolonisation (1920-1960)", Travaux et documents. Centre d'étude d'Afrique noire. Institut d'études politiques de Bordeaux, n° 58-59, p. 2-39.

  2. Delavignette [1951]

    Delavignette, Robert, "Lord Lugard et la Politique Africaine", Africa: Journal of the International African Institute, vol. 21, n° 3, 1951, p. 177-87.

  3. Titre : [45 cartes postales du Cameroun, enregistré en 1928] Date d'édition : 1924 Droits : domaine public Identifiant : ark:/12148/btv1b7702284k Source : Bibliothèque nationale de France Relation : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb40590101t Couverture : Cameroun Provenance : bnf.fr Licence : Domaine Public

  4. SDN : Société des Nations

  5. Capot-Rey [1922]

    Capot-Rey, R., "La situation politique et économique des anciennes colonies allemandes", Annales de géographie, vol. 31, n° 174, 1922, p. 509-15.

  6. Labouret [1929]

    Labouret, Henri, "L'Institut international des langues et civilisations africaines", Annales d'histoire économique et sociale, vol. 1, n° 1, 1929, p. 77-78.

  7. Page de titre. Cromer, Lord (1841-1917), Modern Egypt, New York, The Macmillan Company, 1916, 1244 p. Licence : Domaine Public

  8. Cromer 1916

    Cromer, Evelyn Baring, Modern Egypt (1908), New York, The Macmillan Company, 2 vol., 1916, 1244 p.

  9. Cromer 1910

    Cromer, Evelyn Baring, Ancient and modern imperialism, London, J. Murray, 1910, 143 p.

  10. Baring [1914]

    Baring, Evelyn (Lord Cromer), Political and literary essays. Second series, London, Macmillan, 1914, 362 p. URL : www.gutenberg.net

  11. Enregistrement personnel (lecteur : Jacques Tual)

  12. Evelyn Baring, 1st Earl of Cromer, by John Singer Sargent (died 1925). http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/86/Evelyn_Baring%2C_1st_Earl_of_Cromer_by_John_Singer_Sargent.jpg

  13. Dessin de Lyautey dans Lettres du Tonkin et de Madagascar, p. 166. Vallée de Xi-Binh

  14. Lyautey [1920]

    Lyautey, Louis Hubert Gonzalve, Lettres du Tonkin et de Madagascar : 1894-1899, 2 vols, Paris, Armand Colin, 1920.

  15. Ecole coloniale

    L'École coloniale créée en 1889, succède à l'Ecole cambodgienne,elle même fondée en 1885 par Auguste Pavie. Elle est longtemps mal connue, beaucoup de politiques et même de coloniaux ignorant son existence. En 1934, elle est rebaptisée Ecole nationale de la France d'outre-mer. Les directeurs successifs de ces établissements sont : Étienne Aymonier (1889-1926), Georges Hardy (1926-1933), Henri Gourdon (1933-1937), Robert Delavignette (1937-1946).

  16. Lettres du Tonkin et de Madagascar (couverture)

  17. Dix années de politique coloniale (couverture)

  18. Chailley-Bert [1902]

    Chailley-Bert, Joseph, Dix années de politique coloniale, Paris, A. Colin, 1902, 190 p.

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