Fatigue : aspects psychophysiologiques

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Applications au domaine de l'EPS

Les textes officiels actuels de l'EPS relatifs à la programmation en collège et au lycée mettent clairement en avant l'importance de l'acquisition du processus de régulation de l'allure. En pratique les textes montrent dans le cadre des compétences propres 1, 2 et 5 que la régulation de l'allure constitue premièrement une capacité à acquérir et à développer pour l'acquisition des différentes compétences attendues dans les activités de courses, de course d'orientation, de natation de durée, de step et de musculation mais également un élément incontournable dans la gestion de la vie physique d'adulte future.

En demi-fond au collège par exemple, l'élève de niveau 1 doit pouvoir « réaliser la meilleure performance possible dans un enchaînement de 2 ou 3 courses d'une durée différentes (de 3 à 9 minutes), en maîtrisant différentes allures adaptées à la durée et à sa VMA, en utilisant principalement les repères extérieurs et quelques repères sur soi. Etablir un projet de performance et le réussir à 1 km/h près. »

Au niveau deux, l'élève doit pourvoir « Réaliser la meilleure performance possible sur un temps de course de 12 à 15 minutes, fractionné en 3 à 4 périodes séparées de temps de récupération compatibles avec l'effort aérobie, en maitrisant différentes allures très proches de sa VMA et en utilisant principalement des repères sur soi et quelques repères extérieurs. Etablir un projet de performance et le réussir à 0,5 Km/h près ». Au niveau trois, l'élève doit pouvoir « pour produire la meilleure performance sur une série de courses, se préparer et répartir son effort grâce à une gestion raisonnée de ses ressources ».

Aux niveaux quatre et cinq, l'élève doit maitriser « l'anticipation la régulation,

l'optimisation et la répartition des allures et la récupération en fonction des ressources du moment ». On perçoit donc que par le biais des programmes officiels de l'EPS, la régulation de l'allure a été perçue, à juste titre, comme un facteur incontournable de la vie physique. On perçoit également la gradation dans les objectifs et les déterminants de cette capacité en fonction du niveau. Ainsi, l'élève novice de niveau 1 utilisera d'abord des repères extéroceptifs pour réguler son allure pour améliorer petit à petit sa connaissance de soi et mettre en adéquation ses ressources et la nature de l'exercice à partir de repères intéroceptifs.

Pour G. Verger et Verger (1993) la raison de l'EPS est « d'apprendre à gérer son effort par la connaissance de soi-même afin d'acquérir des savoirs transférables et permettre à long terme la préparation à la vie et aux activités physiques d'adultes ». Il va de soi que du fait du faible volume horaire réservé à l'enseignement de l'EPS, l'espoir de voir un effet direct important sur les performances et la santé des élèves est faible. Ce qui n'enlève en rien à l'intérêt et l'importance de l'EPS. L'enseignant parvenant à faire accepter l'effort, puis à le faire apprécier et à faire en sorte que le futur adulte puisse apprendre à l'utiliser pour être autonome dans sa vie physique futur aura joué pleinement son rôle. C'est alors que des effets importants sur la performance sportive mais également sur la santé pourront intervenir.

Il semble malheureusement que relativement peu d'enseignants d'EPS accorde toute la place demandée à l'acquisition de la capacité de régulation de l'allure et le développement se la connaissance de soi, préférant souvent mettre la priorité sur le développement des ressources. Si c'est dommageable et critiquable cela s'explique aussi peut être tout simplement par le fait que les enseignants se sentent démunis devant cette tache. Si l'objectif est clairement indiqué dans les textes officiels, les moyens pour y parvenir sont beaucoup plus rares ou peu développés. Les études scientifiques sur la régulation de l'allure sont relativement récentes, la modélisation de ce processus encore plus, et la mise en application doit être maintenant développées pour donner les moyens aux enseignants de développer ce processus spécifiquement. L'enjeu en terme de santé publique notamment est majeur et l'âge des élèves particulièrement propice à l'acquisition de cette capacité.

Le chapitre dédié au rôle des émotions dans le processus de régulation de l'allure est tout à fait en accord avec le développement de la connaissance de soi et l'utilisation des repères intéroceptifs. En l'étudiant vous comprendrez comment enrichir le répertoire comparatif des élèves en multipliant les séances leur permettant de tester les effets du choix de telle ou telle intensité sur leur réussite dans le projet visé. Ce répertoire sera tout d'abord de type extéroceptif : je cours à telle vitesse, je suis capable de la tenir pendant telle durée avant que la fatigue ne m'oblige à ralentir. Ou je cours à telle vitesse que je pensais être rapide pour moi, et en fait je m'aperçois que je peux la maintenir plus longtemps que prévu. Puis petit à petit ce répertoire sera accompagné d'indices intéroceptifs : telle vitesse est accompagnée de telle sensation puis à l'inverse, telle sensation correspond à telle vitesse. Vous pourrez également utiliser des repères physiologique : telle vitesse et telle sensation s'accompagne de telle niveau de fréquence cardiaque par exemple.

A force, l'élève parviendra à se passer de repères extéroceptifs, ses sensations seront suffisantes pour contrôler son allure en fonction de l'épreuve qu'il doit réaliser. Vous serez alors parvenu à ce qu'il soit capable de gérer son investissement et sa vie physique de futur adulte dans toutes les conditions. L'objectif sera atteint. L'utilisation de la perception de l'effort sera votre outil principal dans cet objectif. Elle est facilement utilisable par toutes et tous et ne nécessite qu'une période d'apprentissage de très courte durée. Une à deux séances seront suffisantes pour que vos élèves apprennent à l'utiliser correctement. Des échelles adaptées pour les plus petits existent même pour l'enseignement en école primaire. A partir de l'adolescence, les échelles classiques de Borg sont utilisables. Si la perception de l'effort est la plus couramment utilisée, l'étude du chapitre sur le rôle des émotions vous a montré qu'une échelle de perception du plaisir existe également. Son utilisation a l'avantage de faire prendre conscience à l'élève qu'un plaisir est associé à l'effort lorsqu'il pratique un exercice. Si ce plaisir est pris comme référence, le passage de l'acceptation de l'effort se fera certainement plus facilement et le gout de l'effort pourra s'acquérir. Ce sera le garant de la réussite pour vous et vos élèves. Enfin, faites prendre conscience aux élèves de leur progrès, que ce soit en termes de performances chronométriques mais aussi de sensations. Les études récentes montrent que si on compare deux groupes de coureurs (l'un qui parvient à être régulier et l'autre non) ceux qui parviennent à se réguler correctement sont ceux qui éprouvent un sentiment d'efficacité personnelle important contrairement aux autres. Au final, le sportif ne serait pas si fou que ce qu'on en dit parfois : en fait, si on pratique, c'est tout simplement et logiquement car on se sent efficace dans ce qu'on fait et qu'il en ressort un plaisir associé à l'effort. C'est donc dans ce sens qu'il faut travailler avec les élèves.

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